Mesurer la fertilité de son sol : quelques outils simples de diagnostic
Pourquoi s’intéresser à la fertilité des sols ?
Au-delà des multiples services écosystémiques rendus à l’être humain et à l’environnement, le sol est d’un point de vue économique et agricole un élément central, globalement non renouvelable à notre échelle temporelle, mais dont le potentiel agricole peut radicalement varier dans le temps et l’espace.
Le potentiel de production d’un sol dépend en partie de ses propriétés physiques, chimiques et biologiques. Un sol bien structuré et biologiquement actif est indispensable à la santé des plantes, et de fait, à la production agricole. La fertilité et la résilience (notamment face aux aléas météorologiques et climatiques) du sol repose donc sur des microorganismes varié (invertébrés, bactéries, champignons) et actifs qui favorisent les flux d’air, d’eau et d’éléments nutritifs essentiels à la croissance des plantes.
Au contraire, un sol dégradé deviendra plus vulnérable à la compaction et à l’érosion, perdra une partie de ses organismes vivants et de sa capacité de rétention hydrique et ne sera plus capable de fournir des rendements satisfaisants.
Comment évalue-t-on la fertilité d’un sol ?
La fertilité peut s’évaluer à partir des propriétés physiques, chimiques et biologiques. Diverses méthodes en plein champ ou en laboratoire existent. Au-delà des mesures usuelles en lien à l’évaluation chimique des sols (bilan de fumure, test N-min, etc.), Des méthodes relativement simples et peu coûteuses existent pour évaluer la fertilité physique et biologique d’un sol.
Evaluer la qualité de la structure de son sol
La structure désigne l’agencement dans l’espace des principaux constituants du sol, comprenant les particules minérales du sol (argile, limon, sable), les matières organiques et certains oxydes. Ces constituants, par le biais de processus et interactions biotiques, abiotiques, aboutissent à la formation d’agrégats et d’espaces poreux (« les vides du sol »), qui constituent la structure du sol et participent à son fonctionnement global. Pour évaluer la structure, on observe les pores du sol, occupés soit par l’eau, soit par l’air. L’ensemble de ces vides reflète la porosité. Elle affecte principalement le stockage et l’infiltration de l’eau, les flux d’air et de nutriments, la croissance des plantes et de leurs racines et la résistance aux contraintes physiques, biologiques et chimiques. Un travail du sol intensif et un passage répété de machines agricoles peuvent entrainer une dégradation de la structure, régulièrement accompagnés d’une compaction ou d’un processus d’érosion. La régénération naturelle de la porosité est un processus lent, une compaction peut donc persister durant de nombreuses années selon la profondeur de l’atteinte.
Le test à la bêche
Une méthode facile à réaliser et peu coûteuse d’évaluation de la structure du sol est le test à la bêche.
Diverses méthodes de test à la bêche existent, notamment le test VESS (Visual Evaluation of Soil Structure). Ce dernier permet d’observer l’état de la structure du sol jusqu’à une profondeur de 30 cm et d’attribuer un score allant de 1 (très mauvaise structure : forte compaction) à 5 (très bonne structure : friable). Il se réalise à l’aide de la Charte d'évaluation visuelle de la structure du sol disponible sur le site de Progrès Sol. Cinq tests au minimum sont nécessaires pour une bonne représentativité parcellaire, et pour une exploitation homogène.
Le test VESS est compatible avec la méthode SolDoc développée en 2023 par un consortium composé de la BFH-HAFL, d’AGRIDEA, d’Agroscope et du FIBL. Cette dernière uniformise les nombreuses méthodes existantes de test à la bêche et les oriente vers le pratique agricole. La méthode SolDoc décrit des éléments supplémentaires liés à l’exploitation et contient des échelles d’évaluation adaptées aux sols très sableux et très argileux. Le guide est dès à présent disponible en français, en allemand et en italien sous forme de fichier PDF à l'adresse www.testbeche.ch.
Une application qui facilite le déroulement du test est disponible gratuitement dans le Play Store ou l’App Store sous « VESS hepia ».
Une application qui vous guide pas à pas à travers le test bêche est disponible gratuitement dans le Play Store ou l’App Store sous « SolDoc ».
À dominance sableuse, limoneuse ou parfois organique (tourbe du Chablais), les sols alluviaux de la plaine du Rhône possèdent des caractéristiques uniques en Suisse. Il est possible qu’il soit difficile d’y planter une bêche. Dans ce cas, un profil cultural (voir ci-après) sur la parcelle concernée est conseillé.
Le profil de sol
Le profil cultural permet de découvrir les différents processus biologiques, chimiques et physiques qui se déroulent sous nos pieds. C’est un outil de diagnostic et de conseil complet qui permet de déceler les effets des pratiques agricoles et les processus de formation du sol impactant sa fertilité. Il se réalise au moyen d’une fosse creusée perpendiculairement aux opérations de culture.
Des analyses en laboratoire permettent de compléter et de préciser de nombreux points observés lors de l’étude du profil.
Des guides pratiques de description du profil cultural sont librement accessibles sur le site de Progrès Sol. Plus de détails et informations en lien aux profils de sol sont disponibles sur la page Profils permanents.
Observer la biologie des sols
Les organismes du sol jouent un rôle clé dans la santé des sols. Invertébrés, bactéries et champignons, certains participent à la stabilité de la structure, d’autres s’attaquent aux ravageurs et régulent les maladies et d’autres encore fournissent des éléments nutritifs aux plantes et favorisent leur croissance.
Les vers de terres et microorganismes du sol
Un sol « vivant » contient généralement des vers de terre nombreux et actifs. Leurs galeries favorisent l’aération du sol, l’absorption et le stockage de l’eau ainsi que le développement racinaire. Grâce à leur activité de bioturbation, ils incorporent la matière organique morte dans le sol et remontent les matières minérales des profondeurs. Si leur activité est limitée, cela peut indiquer des problèmes de compaction, d’érosion ou de mauvaise aération du sol. Ils sont de ce fait de bons indicateurs de perturbation de la structure du sol.
Une méthode de décompte de vers de terre accessible et peu coûteuse est la méthode à base de jus d’oignon. Il est recommandé de la réaliser durant la période d’activité des vers de terre, principalement au printemps et en automne, et par sols humides (attendre un minimum de 50 mm de pluie cumulés sur les 30 jours précédents l’analyse). Le protocole complet est disponible sur le site de Progrès Sol. D’autres techniques comme le test à la bêche ou l’observation des galeries dans un profil cultural peuvent être réalisées. Le test à la bêche peut être couplé au test VESS : un sol fertile devrait contenir en moyenne un ou deux vers de terre par motte prélevée.
Pour déterminer l’activité biologique de son sol précisément, il est conseillé de faire des analyses en laboratoire. Néanmoins, il existe quelques tests intéressants pour déterminer en quelques heures le potentiel d’activité biologique du sol. Le test du slip a largement été abordé par les médias ces dernières années. Son but est principalement didactique, il invite à la réflexion sur les différents facteurs d’influence de la fertilité. Le test du sachet de thé (Tea Bag Index), mis au point par une équipe de chercheurs et de chercheuses et reconnue scientifiquement, permet de mesurer le taux de dégradation du matériel végétal par les microorganismes du sol. Ces deux méthodes sont participatives et leurs résultats peuvent être partagés à des fins de recherche sur www.teatime4science.org pour le sachet de thé, et sur www.beweisstueck-unterhose.ch pour le test du slip.
La matière organique
Cela comprend la teneur en matière organique, teneur en eau, teneur en air, teneur en éléments nutritifs (NPK)
La matière organique décrit l’ensemble des composants du sol d’origine animale et végétale. L’humus ne représente que les substances organiques mortes du sol. Les organismes du sol se nourrissent de résidus végétaux, de cadavres d’animaux et de déjections animales et les transforment en matière organique fraîche : l’humus.
L’humus est essentiel pour la fertilité des sols car il assure :
• Une amélioration de la stabilité de la structure ;
• Une protection contre la battance et l’érosion ;
• Une bonne aération et filtration ;
• Une bonne pénétration des racines ;
• L’infiltration et la rétention en l’eau ;
• L’absorption des éléments nutritifs.
La vulnérabilité de la structure d’un sol peut être mesurée grâce à sa teneur en humus, car ces deux paramètres sont fortement corrélés. La vulnérabilité de la structure du sol reflète les caractères combinés de la résistance (capacité à conserver sa porosité face à une contrainte) et de la résilience (capacité à retrouver son état structural après l’application d’une contrainte) d’un sol. Pour limiter les risques de compaction, d’érosion et de dégradation de la structure, un sol intact devrait posséder une teneur en humus qui se situe aux alentours de 17% de sa teneur en argile. Cependant, une grande partie des sols agricoles possèdent aujourd’hui des teneurs en humus se situant aux environs de 12% de leur teneur en argile. Cela s’explique notamment par des pratiques agricoles intensives tels que le travail du sol profond et l’utilisation d’engrais minéraux qui favorisent les pertes en humus dans le sol.
La teneur en humus d’un sol peut se mesurer en laboratoire, notamment lors d’analyses PER.