Musées cantonaux - Publication du rapport d’expertise sur la collection Guigoz
Comment gérer pour une institution muséale suisse de premier plan une collection à l’historique trouble ? C’est cette question qui a guidé la démarche lancée par la direction des Musées cantonaux du Valais en 2014. Fidèles à leur devoir de transparence et d’exemplarité, ces derniers ont souhaité établir les provenances archéologiques des pièces de la collection Guigoz et éclaircir leurs conditions d’acquisition. Les résultats de l’étude sont aujourd’hui connus et les Musées cantonaux affirment leur ouverture quant à l’examen d’éventuelles demandes de restitution d’objets de la collection.
La collection Guigoz, constituée entre les années trente et soixante, rassemble quelque 3700 pièces archéologiques antiques et médiévales provenant du pourtour du bassin méditerranéen, essentiellement du Proche-Orient et d’Italie. Elle a été léguée à l’Etat du Valais en 1970 par son propriétaire, l’industriel d’origine valaisanne Edouard Guigoz (1902-1970), établi à Chiasso. Le Conseil d’Etat d’alors a accepté le legs de cette collection, bien que celle-ci n’était accompagnée d’aucun inventaire ni autre documentation permettant d’établir la provenance archéologique des objets, ainsi que leur itinéraire entre le moment de leur découverte et leur acquisition par Edouard Guigoz. La collection est arrivée physiquement à Sion entre 1970 et 1972 et son inventaire fut dressé par les Musées cantonaux de 1972 à 1976.
Dans la mesure où le patrimoine archéologique est en principe protégé contre l’exportation, une collection de cette nature présente le risque d’une origine problématique, celle-ci pouvant résulter d’un potentiel pillage archéologique. En 1979, une sculpture romaine en marbre faisant partie de la collection Guigoz a d’ailleurs été restituée par l’Etat du Valais à l’Italie, où elle avait été volée à la fin des années cinquante. Le doute croissant sur la provenance des pièces a conduit les directions successives des Musées cantonaux à adapter leur gestion de la collection aux règles de la déontologie muséale, règles qui ont évolué de manière très importante entre 1970 et aujourd’hui.
La collection Guigoz a été retirée des salles d’exposition en 1985. Elle est depuis stockée dans les réserves des Musées cantonaux. En 2014, la nouvelle direction a décidé de rouvrir ce dossier. Dans une perspective de transparence et d’ouverture, une vaste étude a ainsi été lancée avec le soutien financier de la Confédération et de Michelle Guigoz, filleule d’Edouard. Un collège de scientifiques spécialisés, rattachés à plusieurs universités suisses, a été mandaté pour examiner la collection, son histoire et son statut au regard de la loi.
Résultats de l’étude
Les auteurs de l’étude concluent que la collection Guigoz ne contrevient pas à la législation suisse, dans la mesure où la convention de l’UNESCO « concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels » n’a été ratifiée par notre pays qu’en 2003. La loi fédérale sur le transfert international des biens culturels n’est, elle, entrée en vigueur qu’en 2005. L’une et l’autre ne comportent aucun effet rétroactif.
A ce jour, aucun autre objet que la sculpture restituée à l’Italie en 1979 n’a pu être identifié par les experts comme un objet volé ou spolié. La plupart des objets de la collection sont des objets courants et de faible valeur marchande. Hormis une vingtaine d’objets uniques ou rares, ils sont considérés comme étant d’une valeur esthétique faible à moyenne. Leur intérêt archéologique est fortement diminué par l’absence de provenance précise (site de découverte) et de contexte de fouille scientifique.
Pour l’Etat du Valais, la possession d’une telle collection appelle à la transparence et à la communication publique, afin de favoriser l’identification et la provenance archéologique des objets, ainsi que d’éventuelles demandes de restitution. A cette fin, l’entier de la collection est aujourd’hui accessible en ligne, sur le portail de recherche www.vallesiana.ch. Le rapport d’expertise est quant à lui disponible sur le site des Musées cantonaux à l’adresse www.musees-valais.ch/musee-histoire/collections. Du point de vue de la déontologie muséale et de l’éthique, les objets constituant la collection Guigoz sont éligibles à des restitutions si des demandes dûment étayées par des ayants droit (Etats ou particuliers) sont introduites auprès du Conseil d’Etat par l’intermédiaire des Musées cantonaux.
La collection est aujourd’hui conservée de façon professionnelle et transparente. Dans l’attente d’éventuelles demandes de restitution, le stockage de la collection dans les réserves des Musées cantonaux peut être considéré comme un dépôt en dernier recours.
Dorénavant, comme le souligne une décision du Conseil d’Etat, toute exposition, publication ou mise en valeur d’objets de la collection devra impérativement s’accompagner d’une mise en évidence du caractère problématique de leur provenance.