Dossier des constructions de la commune de Bagnes - Deuxième partie du rapport de l’expert Jean-Luc Baechler
Après une première partie qui confirmait la pertinence des démarches entreprises par le canton depuis la mise en évidence en 2016 de constructions non conformes au droit à Verbier, l’expert Jean-Luc Baechler, avocat et ancien président du Tribunal administratif fédéral, a rendu au Conseil d’Etat la deuxième partie de son rapport consacrée à l’analyse des procédures et des mesures mises en place par la commune. Il en ressort que cette dernière respecte désormais le droit en vigueur en ce qui concerne les décisions portant sur les nouveaux dossiers. Les procédures mises en place en vue de régulariser les conséquences des dysfonctionnements passés sont également correctes. Cependant, le mouvement doit s’accélérer pour traiter l’ensemble des dossiers concernés d’ici à la fin de l’année.
Le Conseil d’Etat a désigné en juin 2019 l’avocat fribourgeois Jean-Luc Baechler, ancien président du Tribunal administratif fédéral, en qualité d’expert externe dans le cadre du dossier des constructions de la commune de Bagnes. Pour la première partie de son mandat, le Conseil d’Etat lui avait demandé de vérifier les démarches entreprises par le canton dans le cadre de la surveillance de la commune de Bagnes depuis la mise en évidence de constructions illicites en 2016 à Verbier. Cette analyse a fait l’objet d’un premier rapport, publié à l’automne 2019, qui conclut que le Gouvernement et ses agents ont agi conformément au système légal en place et avec diligence, même si certains aspects auraient pu être améliorés, en particulier au niveau de la formalisation des enquêtes et des décisions administratives.
Pour la deuxième partie de son mandat, Jean-Luc Baechler a été chargé par le Conseil d’Etat d’examiner les démarches entreprises par la commune de Bagnes. Il a remis, dans le délai imparti, son second rapport au Conseil d’Etat.
Vérifications concernant les nouvelles demandes d’autorisation de construire
Comme demandé par le Conseil d’Etat, l’expert a vérifié la pratique communale en ce qui concerne les nouvelles demandes d’autorisation de construire.
Sur la base des contrôles réalisés sur place en janvier 2020 par le sous-groupe de travail de l’administration cantonale chargé de cette tâche, l’expert constate que la commune respecte, dans l’ensemble, les législations applicables et que les éléments critiquables constatés ici ou là ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation.
Selon l’expert, le devoir prioritaire de l’autorité de surveillance consistant à s’assurer que le comportement illicite de la commune de Bagnes a cessé et que, à l’avenir, toute demande d’autorisation de construire sera traitée de manière strictement conforme aux normes légales en vigueur, est rempli à satisfaction.
Vérification de la pratique communale en matière de traitement des constructions réalisées sans autorisation ou contrairement à l’autorisation
L’expert a également contrôlé l’application des procédures en matière de police des constructions, en particulier pour les travaux réalisés sans autorisation de construire ou contrairement à l’autorisation rendue.
Il ressort du rapport que les procédures sont toujours en cours de traitement dans de nombreux cas. Le respect du droit des tiers et du droit d’être entendu semble désormais bien intégré dans les procédures et les décisions, de même que la mention expresse des voies de droit. De nombreux dossiers litigieux ont déjà fait l’objet de sanctions par le biais d’une amende d’un montant souvent très important. En revanche, tel n’est pas le cas, pour l’instant du moins, du recours à la confiscation des gains illicites alors que la prescription continue à courir.
La méthodologie à suivre étant connue, il convient selon l’expert d’accélérer le mouvement concernant ces dossiers pour régler le tout avant le 31 décembre 2020.
Vérification des procédures et des mesures de régularisation des décisions reposant sur un règlement communal non conforme : « décisions viciées »
Conformément à la demande du Gouvernement, l’expert a enfin vérifié les procédures et les mesures de régularisation adoptées par la commune en ce qui concerne les décisions dites « viciées » (à savoir les « anciennes » autorisations de construire avec calcul de l’indice d’utilisation du sol (IUS) non conforme aux dispositions cantonales).
Il en ressort que, de manière générale, les procédures de régularisation mises en place par la commune de Bagnes correspondent bien à la méthodologie développée avec les recommandations des autorités cantonales. Elles s’avèrent, en tout point, conformes au système légal en place. Les mesures prises à cet effet par la commune (application stricte du droit cantonal, recensement des cas, établissement de listes évolutives en fonction de l’avancement de la procédure, réexamen des dossiers litigieux, audit, réorganisation et renforcement du service des constructions, externalisation de certaines tâches, optimisation des processus, etc.) répondent bien aux nécessités de la situation et aux principes fondamentaux de proportionnalité, d’égalité de traitement, de bonne foi et d’efficience.
Cependant, le facteur temps ne doit pas être négligé. Si la commune a déjà rendu plusieurs décisions ad hoc, celles-ci restent pour l’instant modestes par rapport à l’ensemble des cas à examiner. Selon l’expert, la commune doit maintenant se donner les moyens de venir à bout de cette opération de normalisation en mettant définitivement un terme à cette affaire litigieuse dans les limites de la date butoir du 31 décembre 2020 qu’elle s’est fixée. Sinon, il appartiendra au Conseil d’Etat de sérieusement envisager de lancer une procédure tendant à se substituer aux autorités communales.
Pour l’expert, en prévision de cas issus d’une décision viciée où une remise en état des lieux s’avérerait inéluctable compte tenu d’un intérêt public prépondérant en jeu, la commune serait bien inspirée de constituer préventivement des réserves substantielles pour les indemnisations et dommages-intérêts qui en découleraient.
L’affaire dans sa globalité
Au total, la commune a répertorié 1’265 dossiers de construction correspondant à des autorisations délivrées du mois d’avril 2012 (date de l’arrêt du Tribunal fédéral mettant en évidence la non-conformité du règlement communal) jusqu’à la sommation du Conseil d’Etat du 27 avril 2016. Il reste à ce jour 166 situations devant faire l’objet d’une instruction de détail en prévision d’une procédure de régularisation et 145 dossiers encore à traiter. S’y ajoutent 117 dossiers de police des constructions en cours.
Cela étant, l’expert constate que la commune a pris des mesures significatives pour répondre aux 18 exigences prescrites par le Conseil d’Etat en date du 13 juin 2018. Elles ont porté leurs fruits puisque, à l’heure actuelle, la majeure partie de ces exigences sont désormais réalisées ou sur le point de l’être indépendamment, certes, du travail encore conséquent à accomplir sous l’angle des anciens cas à finaliser.
Pour terminer, Jean-Luc Baechler – après avoir signalé les mesures prophylactiques à effectuer par l’autorité de surveillance dans l’hypothèse où la commune ne parviendrait pas à finaliser l’opération à temps – formule plusieurs pistes de réflexions afin de donner éventuellement davantage de latitude au Conseil d’Etat pour intervenir de manière plus incisive dans les affaires des communes en matière de constructions (par exemple droit de recours de la part du canton en matière d’autorisation de construire, préavis obligatoire à requérir auprès des services, etc.). L’expert relève par ailleurs qu’il convient de ne pas sous-estimer l’enquête pénale en cours diligentée par le Ministère public qui, le moment venu, établira les responsabilités individuelles pour chaque cas particulier et définira en outre s’il existait un véritable système organisé.