Étude de base sur le potentiel de la Force Hydraulique en Valais
Une étude de base sur le potentiel de la Force Hydraulique en Valais menée par les Forces Motrices Valaisannes (FMV), sur mandat du Département des finances et de l’énergie (DFE), inventorie l’ensemble des aménagements hydroélectriques et les développements possibles sur sol valaisan. Cette analyse privilégie pour la première fois une approche suprarégionale par bassin versant dans une perspective de multifonctionnalité de l’eau. Pour répondre aux défis initiés par la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération et par la Vision 2060 du Canton qui prévoient le développement de la force hydraulique, l’hydroélectricité valaisanne devra satisfaire une demande hivernale croissante, maîtriser l’agenda du retour des concessions et établir un équilibre durable autour des enjeux liés à la protection de l’environnement. S’inscrivant dans la volonté du Canton de participer activement à la sécurité d’approvisionnement du pays, l’étude offre une vision complète du potentiel de production hivernale supplémentaire estimé à plus de 2’200 GWh en Valais, ce qui nécessite toutefois une augmentation de la capacité de stockage de 655 millions de m3. L’étude propose également des pistes de réflexion à entamer avec les différentes parties prenantes concernées.
Les importants défis des politiques énergétiques suisse et valaisanne
La Stratégie énergétique 2050 de la Confédération vise à réduire la consommation d’énergie, à améliorer l’efficacité énergétique, à promouvoir les énergies renouvelables et à sortir progressivement du nucléaire. La Vision 2060 cantonale, «Valais, Terre d’énergies» prépare, à long terme, un approvisionnement en énergie 100% renouvelable et indigène. Ces politiques ambitieuses induisent plusieurs défis. Aujourd’hui, les centrales nucléaires représentent 35% de la production suisse. Sortir du nucléaire et abandonner simultanément les énergies fossiles pour atteindre la neutralité carbone impliquera moins d’électricité dite prévisible en hiver alors que la consommation y est plus forte qu’en été. Pour pallier cet important déficit hivernal à venir, réduire au minimum les importations et contribuer aux objectifs stratégiques, le Canton souhaite accroître la part de l’hydroélectricité qui constitue la colonne vertébrale de l’approvisionnement suisse.
L’étude de FMV, premier jalon des discussions
Dans ce contexte, la Confédération a récemment invité les cantons à étudier le potentiel de l’énergie hydraulique sur leur territoire. Le DFE avait déjà anticipé la démarche il y a une année en chargeant les FMV de réaliser une analyse de ce type. Aujourd’hui, le document finalisé et intitulé « Étude de base sur le potentiel de la Force Hydraulique en Valais » dresse un état des lieux de l’hydroélectricité. Cette étude d’envergure répertorie ainsi les aménagements hydroélectriques situés sur sol valaisan, leurs caractéristiques spécifiques et les développements potentiels sur plusieurs sites. Elle intègre aussi les critères de protection de l’environnement et l’agenda du retour des concessions dans une perspective de multifonctionnalité de la « ressource eau ». Cette analyse constitue la première étape des discussions sur la planification de protection et d’utilisation des eaux en dégageant des scénarios pour le Valais avec les différents acteurs politiques, énergétiques et environnementaux.
L’approche novatrice par bassin versant suprarégional
L’étude de base met l'accent sur le principe de la gestion intégrale de l'eau dans une vision suprarégionale. Jusqu’à présent, l’histoire centenaire de l’hydroélectricité dans les Alpes se caractérisait notamment par un développement répondant aux besoins locaux de l’économie et de la population. Chaque centrale hydroélectrique existante était construite sur la base d'un concept technique spécifique.
Aujourd’hui, une vue d’ensemble de tous les affluents s’écoulant dans le Rhône est nécessaire pour une utilisation rationnelle et une gestion durable de l’eau. Et ce tant au niveau de la production et de la commercialisation hydroélectrique que de l’utilisation de l’eau pour la consommation, l’irrigation et l’industrie (transformation de réservoirs existants en réservoirs polyvalents par exemple), de sa protection dans le cadre de la conservation de la biodiversité ou au niveau de la gestion des dangers naturels.
L’identification d’un potentiel hivernal important de 2’200 GWh
D’un point de vue production, l’inventaire met en évidence le fait que certains bassins versants, de par leur topographie et leur hydrologie, ont du potentiel pour augmenter la production hivernale. FMV a ainsi identifié où et comment le faire techniquement. Dans cette approche, les spécialistes ont déterminé un potentiel hivernal d’environ 2’200 GWh en Valais. Soit plus ou moins l’équivalent de l’augmentation de la production hivernale issue du stockage voulue par la Confédération.
Ce potentiel pourra se réaliser en grande partie par un transfert énergétique de l’été vers l’hiver et par l’augmentation des capacités de stockage. L’idée est d’utiliser l’énergie photovoltaïque excédentaire en été pour permettre de pomper et de stocker les eaux dans les barrages, dans une complémentarité soleil-eau gagnante. Les barrages fonctionnant comme des batteries alpines que l’on peut enclencher à la demande, l’eau est prioritairement turbinée en hiver lorsque les besoins en énergie sont plus forts. C’est une vision saisonnière du stockage hydroélectrique, différente du pompage-turbinage à vocation quotidienne.
L’augmentation des capacités de stockage estimée à 655 millions de m3 se traduira quant à elle par la construction de nouveaux ouvrages d’accumulation, par le rehaussement des barrages existants ou par l’utilisation des futures retenues naturelles liées au retrait des glaciers. Avec ses 10'000 GWh de production actuelle, « l’usine hydroélectrique Valais » dispose encore d’un potentiel d’énergie renouvelable parmi les plus importants du pays pour garantir un approvisionnement sûr et durable en Suisse et en Valais.
Un instrument de pesée des intérêts entre écologie et énergie
Ce potentiel hivernal est concentré dans quelques régions alpines. Il ressort de l’étude de FMV que 80% de ce potentiel est situé en zones protégées. Raison pour laquelle l’étude fait office de premier jalon dans la recherche de synergies entre production d’énergie renouvelable et protection environnementale. Les aspects écologiques (zones protégées, protection des biotopes et zones alluviales, libre migration des poissons, le marnage, le régime de charriage, etc.) sont des défis à intégrer dans tous les projets futurs. Dans ce sens, l’étude vise à stimuler et à lancer des discussions pour une pesée des intérêts. A cet égard, cette étude de base constitue un premier pas vers le plan de protection et d’utilisation des eaux requise par la législation fédérale. Dans tous les cas, il conviendra de préciser les conditions-cadres pour que l’hydroélectricité puisse jouer son rôle de pilier de la Stratégie énergétique 2050.
Un outil pour atteindre les 60% de la production en mains valaisanne
L’agenda du retour des concessions est également intégré à cette étude. Les communes concédantes, propriétaires des droits d’eau, sont des acteurs clés pour atteindre à terme l’objectif des 60% de la production hydroélectrique en mains valaisannes et du maintien de la chaîne de valeur en Valais. Véritable outil stratégique, le modèle met en évidence la séquence chronologique des concessions de droits d'eau existantes et leur expiration au niveau suprarégional. Il vise à stimuler les discussions sur leur optimisation et/ou leur harmonisation. Il peut servir de base aux communes concédantes et au Canton pour élaborer une stratégie pour les centrales hydroélectriques concernées, en partenariat avec FMV, les entreprises régionales d’approvisionnement en énergie et les exploitants historiques. Avec cet objectif de 60% de la production en mains valaisannes au terme des retours de concessions, les partenaires peuvent ainsi considérer l’ensemble de « l’usine hydroélectrique Valais » et son optimisation dans une perspective d’analyse par bassin versant qui tient compte de la multifonctionnalité de l’eau.
La multifonctionnalité de l’eau comme objectif d’excellence
Le Canton, conscient des évolutions climatiques, démographiques et économiques, ambitionne de viser l’excellence dans sa gestion de l’eau en tant que ressource multifonctionnelle. Dans ce cadre, les retenues et les barrages jouent un rôle majeur et doivent intégrer les différents usages principaux de l’eau disponible, tels que l’utilisation pour la consommation d’eau potable, pour l’irrigation, pour l’enneigement artificiel et pour l’industrie, mais aussi pour la protection contre les crues, pour la mitigation des impacts des sècheresses, ainsi que pour la protection des eaux et la promotion de la biodiversité. Ce principe de l’utilisation multifonctionnelle de l’eau doit être adapté aux défis futurs et doit à l’avenir faire partie intégrante de toutes les nouvelles concessions.