Reportages

null Fromager, tout un art !

ReportageFromager, tout un art !

Il est 3h30. Le réveil sonne. Une nouvelle journée commence pour Javier Ramirez à l’alpage du Plan-de-la-Chaux, au fond du val Ferret. Ce qui lui paraissait difficile au début de la saison d’estivage fait désormais partie de sa routine quotidienne. Mi-juin, cet Espagnol d’origine a troqué sa vie trépidante de chef cuisinier contre une vie plus modeste, mais non moins exigeante, à l’alpage.

« Il y a dix ans, je suis arrivé à Verbier pour reprendre un restaurant espagnol. Je ne parlais pas un mot de français », se souvient-il. Malgré cela, il s’est rapidement intégré. « Un jour, une connaissance m’a parlé d’un cours sur le fromage donné à Châteauneuf. L’idée m’a tout de suite plu et m’a donné envie de découvrir le métier de fromager. » Javier a toutefois dû faire preuve de patience : ces cours rencontrent un tel succès qu’il a dû s’y inscrire trois fois avant d’être pris.

L'alpage Plan-de-la-Chaux est l’un des deux seuls alpages valaisans où seules des vaches d’Hérens paissent.

Pendant qu’il prépare la balance, les moules et la chaudière pour la journée, et qu’il s’occupe des meules de fromage à la cave, son collègue trait les vaches à l’écurie, le bâtiment situé en amont. Cet alpage, situé près de la frontière italienne, est l’un des deux seuls alpages valaisans où seules des vaches d’Hérens paissent. « Après avoir trait une vache, il est important de noter la quantité exacte de lait qu’elle a produit. Ces informations sont utiles lorsqu’il s’agit de distribuer les meules aux propriétaires des vaches à la fin de la saison », explique Javier.

Ce matin, il a droit à une visite d’une personne familière : Eric Masseraz, le responsable de l’économie laitière à l’Etat du Valais. C’est lui qui a donné le cours de quatre semaines qu’a suivi Javier à Châteauneuf. Maintenant que la théorie est derrière, Eric Masseraz encadre et conseille les participants pendant la partie pratique de la formation. « Le plus important, c’est que le produit final plaise aux consommateurs. Je passe donc régulièrement voir les personnes qui viennent de finir le cours. »

 

Le plus important, c’est que le produit final plaise aux consommateurs.

Tout d’abord, direction la cave pour vérifier les fromages. Présentent-ils les caractéristiques attendues ? A quoi ressemblent-ils ? Quelle est leur texture et quels arômes ils dégagent ? La température de la cave où sont stockés les fromages joue un rôle important. « Toutes ces informations nous donnent une idée assez précise du travail effectué pendant l’été. On remarque, par exemple, s’il y a eu de petits problèmes de qualité, tels que des croûtes inégales », poursuit Eric Masseraz.

Il faut procéder avec méthode et précision pour fabriquer du fromage. Le consommateur s’attend toujours à retrouver le même goût et la même qualité. Eric Masseraz n’a donc qu’à inspecter les meules de ses élèves à la fin de la saison pour leur remettre leur diplôme si le résultat est satisfaisant.

La texture est-elle la même partout ?

Cette année, il a fallu se montrer particulièrement attentif lors de la fabrication du fromage. L’inalpe a eu lieu deux à trois semaines plus tard que d’habitude, car il restait de la neige à 2041 mètres d’altitude. Pendant l’été, les conditions météorologiques, notamment les fortes pluies du mois de juillet, n’ont pas aidé, explique Eric Masseraz.

« En raison des basses températures et de l’humidité, l’herbe n’a pas poussé aussi vite. L’humidité peut aussi affecter la qualité du fromage. Au lieu de prairies verdoyantes, les vaches sont confrontées à beaucoup de boue. Des bactéries colonisent rapidement les endroits où l’eau stagne. Lors de la traite, le moindre manquement en matière d’hygiène peut se traduire par la présence d’impuretés dans le lait. Le fromage produit va alors gonfler et il ne sera plus comestible. Les trayeurs doivent donc être encore plus vigilants que d’habitude. »

 

Les conditions climatiques de cette année exigent une attention particulière dans la production de fromage.

Mais aujourd’hui, Eric Masseraz est très satisfait du travail qu’a effectué Javier. Il ne tarit d’ailleurs pas d’éloges à son sujet : « Javier maîtrisait déjà très bien la théorie. Ça a toujours été facile de l’encadrer. Il a déjà de l’expérience, puisqu’il était chef cuisinier avant. Les normes d’hygiène, les aspects sanitaires ainsi que la production et la préparation d’aliments n’ont plus de secret pour lui. En cuisine, par contre, il avait de l’aide, tandis qu’à l’alpage, il est tout seul. Mais il travaille très bien. »

 

Ça a toujours été facile d'encadrer Javier. Il a déjà de l’expérience, puisqu’il était chef cuisinier avant.

 

Entre-temps, Javier Ramirez a attaqué la fabrication du fromage. On voit qu’il se sent bien ici, dans ce lieu idyllique, entouré de sommets, dont certains sont encore enneigés. Quoi qu’il fasse, il suit la même recette : une bonne dose de passion et un zeste d’humour.

Un savoir-faire maîtrisé

De temps en temps, Eric Masseraz lui donne quelques précieux conseils. Puis il est temps de redescendre. Javier Ramirez va préparer le dîner pour son collègue et lui. Lorsqu’ils auront fini de manger, ils s’offriront une petite sieste, comme à l’espagnole, avant de recommencer la même procédure l’après-midi.

  retour

Portrait

En visite

null à Binn

En visite à Binn

Dans la vallée des trésors cachés

Avec ses 145 habitants, Binn est un tout petit village. Mais ce hameau du parc naturel du Binntal bénéficie d’un rayonnement international auprès des amateurs de pierres précieuses. Plus de 200 minéraux différents, dont plus d’une douzaine n’ont été trouvés nulle part ailleurs, confèrent au coin une notoriété mondiale. Le cantonnier Hubert Gorsatt, que nous rencontrons au hameau de Fäld, souligne cependant que Binn n’est pas le chef-lieu de la vallée, comme beaucoup le pensent. « Le chef-lieu s’appelle Schmiedigehischere. Et la commune comprend de nombreux autres hameaux. D’un point de vue historique, il n’y a pas d’endroit qui s’appelle Binn. »

Hameau de Fäld

Hubert Gorsatt a grandi à Binn. Il habite actuellement sur la commune de Fieschertal, mais il passe beaucoup de temps au-dessus de la limite des arbres du Binntal, à environ 2000 mètres, dans son chalet d’alpage. C’est là qu’il se sent le mieux et qu’il peut recharger ses batteries. « Le Binntal compte en tout plus de 200 kilomètres de chemins balisés, qui offrent d’innombrables possibilités de balades. Une des randonnées les plus connues passe par l’Albrunpass et rejoint l’Alpe Devero, en Italie », explique ce randonneur passionné.

Un paradis pour les amateurs de minéraux

Nous découvrons en sa compagnie 1,25 kilomètre de ces chemins en suivant le sentier didactique géologique qui mène à la mine de Lengenbach. Cette balade d’une demi-heure passe par onze postes où sont données des explications passionnantes sur l’extraordinaire diversité géologique du Binntal. En chemin, Hubert Gorsatt se remémore plein de souvenirs de son enfance. « Nous venions souvent à la mine et nous assistions à un spectacle divertissant. Des gens venaient des environs ou de plus loin dans l’espoir de trouver des minéraux précieux dans l’immense amas de pierres extraites de la mine. » Certains allaient jusqu’à s’arracher les cristaux des mains, se souvient-il. Le sourire aux lèvres, il avoue qu’à l’époque, ses amis et lui vendaient leurs trouvailles (des pierres généralement sans valeur) à d’innocents touristes. Aujourd’hui, les stands au bord du chemin ont disparu. On rencontre par contre de nombreux enfants armés de marteaux et de burins sur le terril de la mine. Ils cherchent assidûment de la pyrite, ce minéral connu sous le nom d’« or des fous » dans le langage populaire. Doré et brillant, ce n’est toutefois pas de l’or, et plus d’un mineur a déjà été déçu. Sur les quelque 150 sortes de minéraux qui ont été trouvés dans la mine de Lengenbach, la pyrite et le réalgar, dont la couleur rouge vif ressort bien sur la dolomie blanche, sont les minéraux les plus répandus aujourd’hui.

légende
Or des fous 
Réalgar

C’est à cette diversité géologique que le Binntal doit son développement touristique, en particulier durant la deuxième moitié du XIXe siècle. « A l’époque, la recherche de cristaux était une activité lucrative pour les familles paysannes du coin. Elle leur apportait un revenu supplémentaire », raconte Hubert Gorsatt. « Aujourd’hui, les exploitations agricoles ne sont plus très nombreuses. Les commerces locaux meurent peu à peu, poursuit le cantonnier, car beaucoup gagnent leur vie en dehors de la vallée ou sont même partis. »

Sur le terril de la mine, les visiteurs peuvent partir eux-mêmes à la recherche de pierres avec un marteau et un burin. 

Des portes pour empêcher le tunnel de geler

« La vallée peut paraître très isolée, surtout en hiver, concède Hubert Gorsatt. Lorsqu’il neige beaucoup, il faut fermer certains tronçons de la route. » La situation n’a cependant plus rien à voir avec ce qu’elle était par le passé, lorsque le tronçon des gorges de Twingi était souvent infranchissable en raison du danger d’avalanches. « Dans les années 1960, le tunnel creusé pour éviter cette section a fait changer les choses. Il permet d’accéder aux hameaux même pendant les mois d’hiver », explique Hubert Gorsatt. Nous traversons justement cet étrange tunnel d’un peu moins de deux kilomètres. Comme nous l’explique le cantonnier, il dispose d’un portail contre le froid unique en son genre. Face à notre air interrogateur, le collaborateur du Service de la mobilité nous montre les portes en question à l’entrée du tunnel.

La portail à l'entrée et à la sortie du tunnel de Binntal protège contre le fort givrage en hiver.

« Le tunnel du Binntal est humide toute l’année. Cela pose problème notamment en hiver, car le sol gèle si fort qu’il fallait verser des tonnes de sel. Depuis la mise en service du portail, ce problème est du passé. » En effet, lorsque les températures extérieures atteignent un certain niveau, les portes se ferment automatiquement, ce qui permet de maintenir une température un peu plus élevée dans le tunnel. Les voitures qui veulent passer doivent attendre brièvement à un feu. Elles sont détectées et les portes s’ouvrent alors pour les laisser passer.

 

 

  Retour

Dialogues

Info

Les chroniques de Stella

Conseils

Coup d'oeil dans les archives de l'Etat