Conseil : Communication écrite

Les clés d’une communication par courriel sans faux pas

Pourquoi une réponse brève comme "OK" peut-elle donner l'impression d'un ton sec ou, à l’inverse, trop familier ? Pourquoi la confidentialité des courriels est-elle trompeuse ? Communiquer efficacement par courriel est un art délicat, qui demande autant de tact que de vigilance. Fabienne Schnyder décrypte ici les pièges à éviter pour réussir ses échanges écrits en milieu professionnel.

Fabienne Schnyder dispense des cours de communication écrite au personnel de l’Etat du Valais, dans le cadre de séminaires de perfectionnement organisés par le Service des ressources humaines. Elle est aussi l’autrice du guide pratique intitulé « La communication écrite en Suisse : lettres, courriels et autres formes de correspondance mises au goût du jour », édité chez LEP Loisirs et Pédagogie en 2022.

Après les bonnes pratiques (Vis-à-vis 2024 no 1) et les bonnes manières (Vis-à-vis 2024 no 2), voici le troisième et dernier volet de notre série dédiée au bon usage de l’e-mail.

 

Troisième volet : les écueils à éviter

 

Pourquoi la communication par courriel peut-elle être source de malentendus ?

Fabienne Schnyder :
A la différence d’une conversation orale, toute communication écrite est une interaction décalée dans le temps. Ce décalage temporel entre l’émetteur et le récepteur empêche chacun de percevoir directement les réactions de l’autre. Ce qui ouvre la porte aux interprétations, pouvant ainsi devenir source de malentendus.

Prudence donc, même pour des échanges écrits sous le sceau de la confidentialité ?

Absolument. Aujourd’hui, avec la loi sur l’information, la protection des données et l’archivage (LIPDA), il est essentiel de comprendre que tout courriel peut potentiellement être consulté par une tierce personne.

D’où l’importance de soigner la forme de ses courriels, en toutes circonstances...

Prenons l’exemple de quelqu’un qui termine toutes ses phrases par des emojis. Si un de ses messages est transféré plus largement que prévu, certains pourraient trouver cela mignon, mais d’autres jugeraient cela peu professionnel. Un courriel est en quelque sorte notre carte de visite, ainsi que celle de notre employeur. Il est donc important d’en être pleinement conscient.

Autre défi : trouver à chaque fois le bon ton dans un courriel professionnel.

Il faut en effet trouver le juste équilibre entre proximité et professionnalisme. Par exemple, une formule comme « Coucou » ou « A+ » peut convenir pour un message informel, comme une discussion sur la pause de midi, mais dans d’autres contextes, mieux vaut s’en abstenir. De même, parler de sa vie privée, comme par exemple de ses vacances, n’a pas sa place dans une correspondance professionnelle. Avant d’envoyer un mail, je me demande toujours si le ton est approprié. En cas de doute, il vaut mieux garder un peu de distance sans pour autant être froid.

L’ordre des destinataires a aussi son importance lorsqu’on s’adresse à plusieurs personnes. Quelle est la règle ?

Oui, car certaines personnes y sont sensibles. Il faut veiller à respecter l’ordre hiérarchique. On commencera toujours par le conseiller d’Etat, suivi des chefs de service, et entre destinataires de même niveau hiérarchique, l’ordre alphabétique est généralement de mise.

Avec ses supérieurs hiérarchiques, existe-t-il des codes à respecter ?

Oui, mais ces règles varient selon le secteur professionnel. Dans le marketing, la police, ou l’administration, les codes formels peuvent diverger, et même au sein d’une même organisation, différentes équipes peuvent avoir des pratiques différentes. L’essentiel est de comprendre et d’appliquer les codes propres à son milieu.

Comment rester professionnel avec un supérieur que l’on tutoie au quotidien ?

Cela dépend du contexte. Pour une demande formelle, il vaut mieux commencer le message par la fonction du supérieur, suivie de son prénom : « Monsieur le chef de service, » puis « Cher Antoine, ». Dans des échanges plus officiels, comme une candidature à un poste, il est préférable d’utiliser le vouvoiement.

Au risque de paraître trop distant ?

Là n’est pas la question. Dans le cadre d’une offre d’emploi, il faut considérer que plusieurs personnes pourraient lire votre postulation.

Dans votre livre, vous accordez une grande importance aux écrits délicats, tels que répondre à une réclamation, exprimer un refus ou critiquer. Pourquoi ?

Bien formulés, ces écrits sont autant d’occasions de nouer de la confiance avec l’interlocuteur. Répondre avec bienveillance à une situation sensible peut renforcer la relation, parfois davantage que lorsque tout va bien.

Quel est le secret d’un message de refus bien formulé ?

Dans ce type de message, il est essentiel de rester factuel et d’expliquer la décision selon une logique de « cause-conséquence » : pour telle raison, nous avons pris telle décision. Il est important d’accompagner le lecteur dans la compréhension de la décision, pour qu’elle soit plus facile à accepter. Et surtout, il faut éviter les mots « malheureusement » ou « à regret » perçus souvent comme une fausse empathie. On peut regretter une situation, mais pas une décision.

Comment répondre à une réclamation ?

Recevoir une réclamation est une opportunité de créer un lien. Que la personne ait raison ou non, elle nous offre la possibilité de nous expliquer et d’ajuster le tir. Dès le début de notre réponse, il est utile de reformuler son mécontentement, tout en évitant des termes à connotation négative comme « problème » ou « réclamation ». Ainsi, elle se sentira écoutée et prise au sérieux, ce qui contribue à apaiser la tension et à favoriser des liens positifs, même si la décision reste inchangée.

Parfois, des courriels peuvent rester sans réponse, même après plusieurs relances. Que faire ?

Il est important de rester bienveillant et respectueux. Il faut trouver les mots pour motiver la personne à réagir. Par exemple, dire « Afin de traiter ta demande de congé » est plus engageant que « J’ai besoin de tel document ». Fixez un délai précis, comme une date, plutôt qu’une expression vague comme « au plus vite ». En dernier recours, un appel téléphonique peut être utile.

Comment gérer un mail qui nous met en colère ?

Si vous êtes très énervé, allez faire une pause pour vous calmer. Un courriel rédigé sous le coup de l’émotion laissera des traces. Si la réponse est urgente, rédigez le mail et faites-le relire par une personne extérieure pour un avis neutre. Si possible, laissez-le reposer jusqu’au lendemain avant de le finaliser.

Et si nous sommes la cible d’un mail agressif ?

Restez professionnel et restez zen. Ne tombez pas dans la surenchère. Vous pouvez exprimer votre étonnement face au ton et au choix des mots, mais il est préférable de rester factuel par la suite.

Que pensez-vous des IA génératives, comme ChatGPT, pour la rédaction de courriels ?

Tout dépend de l’usage qu’on en fait. Pour ma part, je considère les IA génératives comme des boîtes à idées. Tu peux leur demander de synthétiser un texte, de modifier la tonalité, de vérifier l’orthographe, ou encore de titrer un courriel. Cependant, il ne faut pas prendre leurs propositions pour argent comptant. Au final, la forme doit te correspondre. Et puis prudence, comme le rappelle d’ailleurs le message qui précède l’ouverture des plateformes en question. Ces sites ne sont pas adaptés pour transmettre, stocker ou traduire des données dignes de protection.

Les fautes d’orthographe sont-elles tolérables dans un courriel ?

Mieux vaut les éviter. Une coquille dans un message bienveillant passera inaperçue. Dans un message plus sensible, la faute d’orthographe sera moins acceptée. Il existe des correcteurs performants : Druide Antidote et ChatGPT par exemple pour les francophones et Deeple Write pour les germanophones. Il ne faut pas hésiter à s’en servir.

Voilà, notre message est prêt à être envoyé. Une dernière relecture s’impose ?

Oui, même pour un bref écrit. On vérifie le ton, la clarté, l’orthographe et que les pièces jointes sont bien là. Et pour ne pas oublier cette dernière étape, une astuce : rédigez l’adresse des destinataires en dernier. C’est un garde-fou efficace contre les envois précipités.

 

A vos agendas !

En 2025, Fabienne Schnyder animera deux séminaires sur le thème « Mettre la correspondance administrative au goût du jour ». Organisés sur deux jours, ils auront lieu les 12 et 19 février ainsi que les 18 et 25 septembre 2025. Inscriptions sur la page « Formation et perfectionnement » du Service des ressources humaines.

 

 

Documents

Directive du Conseil d’Etat CE-2019-057

« L’usage de notre messagerie électronique professionnelle est soumis à des règles. Elles sont réunies sous l’article 8 de la Directive d’utilisation des systèmes d’information du 1er novembre 2021. »

 

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